[Interview] Rencontre avec le spécialiste de la relation client, Thierry Spencer
- Dounia Issaa
- 23 mars 2015
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Référence dans le monde du marketing relationnel, Thierry Spencer a occupé le poste de directeur marketing dans diverses entreprises, faisant l’expérience de tous les canaux de la relation client. Aujourd’hui blogueur influent, entrepreneur, auteur… mais surtout passionné, il nous livre sa vision d’expert sur le marché mouvant de la relation client.
Comment vous définiriez-vous Thierry Spencer ? Blogueur influent ? Entrepreneur ? Ou passionné ?
J’adore l’idée d’avoir plusieurs vies et plusieurs cordes à mon arc. Disons que je suis d’abord un praticien de la relation client. J’ai fait l’expérience de tous les canaux dans les vingt dernières années, occupé diverses fonctions dans des secteurs très différents et managé des centaines de personnes. J’ai connu beaucoup de succès et autant d’échecs. J’ai beaucoup appris et j’ai eu envie de partager tout cela sous la forme d’un blog. J’accepte donc tous vos qualificatifs !
Quels sont les grandes tendances de la relation client ?
Tout d’abord, je dirai que la relation client est devenue une discipline de gestion de l’entreprise car c’est une source de différenciation majeure avérée. Les entreprises ont pris conscience de cela à des degrés divers. Nous avons connu le CRM et ses promesses de meilleure connaissance du client, d’action ciblée et personnalisée. Et Internet a apporté une révolution totale du rapport que les marques entretiennent avec leurs clients. Ils sont plus matures dans leurs décisions, plus agiles dans leurs comportements, plus exigeants dans leur parcours et surtout ils occupent une place de plus en plus importante dans les entreprises.
Dans ce contexte, les schémas de fidélisation traditionnels (je reconnais / je récompense) prennent de nouvelles dimensions. D’un côté les clients sont sensibles au fait qu’on leur facilite la vie tous les jours et la plus petite attention qui leur est portée acquiert une grande importance. De l’autre, ils attendent que les entreprises entretiennent avec eux une relation synchrone, conforme à la promesse de base qu’elles leur font et surtout complètement personnalisée.
Justement, quel rôle joue la data dans cette nouvelle relation ?
Il n’y a plus de relation client sans données. L’individualisation et la personnalisation sont devenues un passage obligé. Les données disponibles sont de plus en plus nombreuses chaque jour et même si les clients sont parfois inquiets de leur exploitation, elles contribuent à leur faciliter la vie, à lui faire gagner du temps et globalement à enrichir la relation.
Les professionnels du marketing client devront donc mettre de plus en plus à profit la data disponible car ceux qui sauront faire parler les données client et auront la capacité de diffuser cette connaissance au sein de leur organisation seront les champions de la relation.
La voix du client s’est enfin imposée dans les entreprises ?
Il y a deux façons de répondre à votre question.
D’un côté, je dirais non car si les clients s’expriment davantage et font en quelque sorte irruption dans les entreprises, celles-ci parviennent difficilement à organiser cette expression. Prenez par exemple le secteur de l’hôtellerie. Ils se désolent aujourd’hui de voir des sites leur « voler » l’expression de leurs propres clients. La raison est simple : ils n’ont pas digitalisé leur livre d’or qui prend la poussière sur le comptoir de l’hôtel. Je veux dire par là qu’ils n’ont pas offert à leurs clients des espaces d’expression ouverts sur leur propre site. Quant aux grandes marques, si elles suivent l’effet sur leur réputation, elles peinent encore à faire participer le consommateur aux décisions et surtout ne diffusent pas la voix du client en interne.
D’un autre côté (celui de l’optimisme), je dirais oui car sans attendre d’y être invité par les marques, les clients se sont exprimés. Reprenons l’exemple des hôteliers. Des géants américains du web comme Tripadvisor ont favorisé la voix du client et collecté des dizaines de millions d’avis consommateurs. Les professionnels ne peuvent donc plus ignorer l’expression du client sur Internet qui est devenu un outil de comparaison extraordinaire et une caisse de résonance planétaire, privilégiant la relation humaine.
Pensez-vous que la révolution digitale soit à l’origine d’une plus grande maturité des entreprises sur le sujet ?
Alors que de nombreux actes du parcours client sont dématérialisés, alors que le client gagne chaque jour un peu plus en autonomie, la relation gagne en valeur car elle devient plus rare. La relation humaine devient le grand moment de vérité, celui dans lequel les clients vont vivre une expérience fluide, individualisée et empreinte d’émotion.
Pour cela, les collaborateurs en contact avec le client doivent être tout aussi bien traités, aussi bien informés et aussi bien équipés que le client. Les entreprises ont donc fort à faire pour accompagner et intégrer ces innovations technologiques qui bouleversent la relation. Elles doivent réduire l’anxiété qui nait de ces situations chez les collaborateurs les moins engagés et les moins sensibles à ces révolutions. C’est ce que nous apprend le Baromètre Cultures Services dans son édition 2014/15 : l’engagement des collaborateurs est lié à la satisfaction des clients.
D’où la notion de symétrie des attentions…
C’est une évidence vieille comme le monde : on ne reproduit bien un comportement, une attention que si on en a été soi-même l’objet. La symétrie des attentions qui est la conviction de l’entreprise dans laquelle je suis associé aujourd’hui prend le postulat que la qualité de la relation client est égale à la qualité du management.
La révolution de la relation client se fera d’abord avec les employés, par un management qui n’a pas peur de libérer la parole, de favoriser l’engagement des collaborateurs, leur autonomie pour résoudre eux-mêmes toutes les situations du quotidien.
Comment imaginez-vous la relation client dans 10 ans ?
Dans dix ans, de nouveaux collaborateurs auront fait leur entrée dans les entreprises. Les employés nés avec le digital attendront davantage de liberté, davantage de souplesse, davantage de collaboration et ne seront pas prêts à faire des efforts pour résoudre leurs problèmes. Il en ira de même avec les clients.
Les différences entre les canaux et les terminaux vont s’abolir et se synchroniser et les clients retrouveront leur environnement partout où ils se trouveront. L’exploitation des données deviendra de plus en plus sensible et la sécurité de celles-ci sera une condition préalable à la confiance du client.
Les clients, dotés de nouveaux pouvoirs seront encore plus partie prenante de l’innovation et sauront gré aux entreprises de leur garantir la liberté de s’exprimer, d’user comme bon leur semble des produits ou des services proposés. Des clients davantage sollicités pour améliorer par eux-mêmes leur relation client mais toujours aussi sensibles à l’émotion que seule une relation humaine leur apportera.
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