Interview d’Olivier Le Gallo, Directeur des services clients du Groupe Canal+
- Kiss The Bride
- 17 septembre 2013
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Il y a quelques mois, au détour d’une lecture instructive sur la nouvelle génération du marketing orientée data, nous découvrions que le Groupe Canal+ était précurseur et menait d’intéressantes et prometteuses initiatives en la matière. Après quelques échanges, le rendez-vous fut pris au siège du Groupe à Issy-les-Moulineaux pour un rendez-vous aussi convivial qu’éclairant avec le Directeur des Services Clients…
Rencontre avec un marketeur élevé à la culture data, un profil certainement représentatif de la relève à venir !
Vous avez pris la Direction du Centre de Relation Client depuis 2011. Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés ?
Lors de ma prise de poste, j’ai défini une stratégie en trois points. Le premier objectif a consisté à améliorer la qualité de notre service client pour que celui-ci soit à la hauteur et au diapason des programmes et des valeurs du Groupe, à savoir justement la qualité, l’innovation et la proximité avec nos abonnés. Alors que nous souffrions d’un déficit d’image à ce niveau-là, nous avons vu le baromètre de satisfaction passer de 7,1 à 7,6 sur 10 en moins de deux ans. Même si nous visons toujours mieux, nous pouvons désormais nous targuer d’être au niveau des meilleurs du marché.
Le deuxième enjeu consistait en la modernisation de notre relation client, principalement via le digital. Là encore, c’est un média dont les codes sont en phase avec ceux du Groupe Canal + et donc nous devions en faire un véritable territoire d’expression de la relation client. Pour tenir cette nouvelle promesse, nous avons formé certains de nos conseillers clientèles au community management afin que cette fonction devienne petit à petit multicanale. Ils animent la « communauté d’entraide Canal », un forum modernisé, le pari étant que l’abonné y trouve les informations nécessaires pour résoudre lui-même ses problèmes.
A cela s’ajoutent aussi un service de mails et de chats lancés il y a six mois et un espace client sur le web renforcé par de nouvelles rubriques (dossier personnel, signature électronique, historique des contacts…). Tout cela représente déjà près de 50% de nos contacts avec les abonnés contre 15% en 2011… Avec les quinze millions de contacts entrants par an, cela vous donne une bonne idée des volumes que nous traitons déjà en ligne !
Enfin, le dernier point consiste à développer la valeur même du centre de relation client. Son rôle doit dépasser la simple résolution de problèmes et gestion de litiges. Ce service doit aussi générer de la fidélisation et des ventes. Cela passe notamment par la mise à disposition d’outils d’intelligence client au service de nos conseillers. L’intelligence doit être réinjectée dans les outils de relation client, de la même manière qu’ils sont partagés dans les services marketing et commerciaux. En connaissant mieux les abonnés auxquels ils s’adressent, nos conseillers ont un discours plus pertinent, plus personnalisé, plus proche d’eux ce qui se révèle extrêmement valorisant et valorisé pour les clients en attente de reconnaissance. L’idée est d’échapper aux discours scriptés qui traitent les clients de manière monolithique et massive, pour au contraire privilégier une approche ciblée.
A vous écouter, il semble que le métier de la relation client est en train de changer, non ?
Oui clairement, et principalement sous l’impulsion des clients et des nouveaux modes de consommation. Alors que notre métier n’avait pas beaucoup bougé pendant de longues années, en restant très axé sur le téléphone, là, avec mes équipes, nous sommes en train d’écrire une nouvelle histoire.
Le rôle même des conseillers change. A l’avenir, toutes les demandes simples seront probablement traitées sur les canaux digitaux. Quand on appellera un conseiller, ce sera vraiment pour obtenir une réponse requérant une expertise forte. On va vers un métier de plus en plus haut-de-gamme où il faudra apporter de la valeur, et donc abandonner les discours formatés. Les conseillers auront de plus en plus besoin d’outils d’aide à la décision. D’ailleurs, comme je vous disais, nos conseillers ont accès depuis quelques mois à une palette d’outils d’intelligence client complète et cela leur permet d’être plus pertinents dans leurs réponses.
On ne veut plus vivre sur un modèle qui consistait à avoir d’un côté le marketing avec de nombreuses informations sur les clients, et en parallèle le centre de relation client avec très peu de données. Nous avons donc investi sur un programme de partage de la connaissance client en multi-canal. On a donc fusionné l’ensemble des données clients pour que chaque conseiller ait une vue 360 du client auquel il s’adresse. Attention, il ne s’agit pas de les noyer sous les informations, ni de devenir intrusif. La connaissance client doit mettre à disposition des conseillers des éléments de contexte et des recommandations d’offres qui vont enrichir la relation et générer de la valeur dans la relation. Cette connaissance client est aussi exploitée au sein même de l’espace client web pour en faire un service personnalisé et homogène avec les autres canaux de contacts.
Vous parlez beaucoup de connaissance client. Comment inculquez-vous la culture data auprès de vos équipes ?
En n’en parlant surtout pas ! La data n’est pas un objectif en soi, c’est un outil. L’enjeu est plutôt de déterminer le bénéfice que le client peut avoir si nous collectons et exploitons ses données personnelles. Un abonné qui nous contacte souhaite avant tout avoir le bon conseil ou la bonne recommandation et il se fiche pas mal de savoir quels sont les algorithmes utilisés. Idem avec les conseillers clientèle : s’ils constatent qu’ils gagnent du temps sur les appels, qu’ils désamorcent plus facilement les situations tendues, bref qu’ils sont plus performants pour répondre, fidéliser ou vendre, ils vont naturellement adopter l’outil. Valoriser la technologie en tant que telle n’a pas de sens. Par contre, montrer que l’on progresse tous ensemble en l’adoptant, oui.
Une fois que je vous ai dit cela, je dois quand même préciser tout l’intérêt et l’importance que j’accorde à la connaissance client, il s’agit d’un actif précieux pour Canal+. Mon parcours le prouve : après une formation d’économétrie, à savoir l’application des méthodes statistiques à l’économie, j’ai occupé divers postes de connaissance clients puis j’ai évolué de plus en plus vers le client en passant de la Direction de l’Analyse aux Directions Marketing et maintenant Relation Client.
Pouvez-vous nous parler d’une initiative où l’analyse de la donnée vous permet de créer des opérations ciblées pour vos clients ?
Je peux vous citer par exemple la communauté d’entraide Canal que j’ai rapidement mentionnée toute à l’heure. A partir de l’analyse des conversations et des échanges sur notre forum, nous avons segmenté cette communauté. Nous avons classifié les membres suivant leur activité, leur envie d’en savoir plus sur nos offres et leur capacité à s’impliquer. Cela nous a permis d’identifier différents groupes, de ceux qu’il faut simplement aider parce qu’ils passent sur le forum ponctuellement à ceux qui deviennent franchement promoteurs et ambassadeurs de la marque. Pour ces abonnés « VIP », nous avons créé une communauté privée qui leur donne accès à plus d’informations, les valorise et renforce encore le lien déjà fort qu’ils ont avec la marque. Par exemple, nous les avons convié en début d’année au siège du Groupe, ils ont visité les locaux, rencontré certains des dirigeants et depuis, nous les faisons participer à l’élaboration de notre prochain décodeur, en lien avec nos équipes techniques. Voilà comment concrètement, la connaissance de nos clients nous fait mettre en œuvre des actions originales.
Pouvez-vous nous citer d’autres expériences innovantes dans le Groupe d’exploitation de la data ?
Le Groupe Canal+ est vraiment pionner et a monté un certain nombre de projets très intéressants. Il y a par exemple Eureka, un moteur de recommandation TV personnalisée. Ce service lancé il y a deux ans a été largement adopté, et prouve la pertinence du modèle. Suivant les programmes que vous regardez, Eureka met en avant tel ou tel contenu parce qu’il est en affinité avec vos goûts. Il ne s’agit pas de simplement proposer un film romantique si hier soir, vous en avez regardé un. L’analyse du comportement est beaucoup plus sophistiquée, basée sur un algorithme développée par une équipe interne. Elle compte à la fois des experts de la data et des experts des contenus, et leur travail en synergie au sein d’un même service leur permet de créer des modèles d’affinités très pertinent. Eureka a clairement remporté l’adhésion des abonnés, qui enregistrent de bien meilleurs taux de fidélisation quand ils utilisent cet outil. C’est d’ailleurs tout l’objectif de cet outil : alors que les contenus à disposition sont pléthoriques, l’abonné peut parfois avoir le sentiment de ne pas profiter pleinement de son abonnement et de passer à côté de bons programmes. Le moteur Eureka pallie à cela en proposant chaque jour une programmation qui correspond aux envie et attentes télévisuelles de chaque membre du foyer.
Il y a aussi sur Canalsat l’expérience des chaînes totalement créées et personnalisées par les abonnés eux-mêmes. C’est le cas par exemple de mon Nickelodéon : les parents créent la chaîne de leur enfant en paramétrant quelques données de base (âge, garçon/filles, hobbies…) et la chaîne se « relinéarise », la programmation se reconstruit en fonction de ses critères. Une chaîne sur mesure pour l’enfant et les parents qui s’enrichit et s’affine au fur et à mesure de son utilisation par l’enfant, puisque son comportement est de plus en plus précisément décrypté. L’intelligence des contenus peut alors aller très loin. Par exemple, si l’on perçoit qu’un enfant aime les contenus où il est question de près ou de loin de la mer, on pourra lui proposer toutes sortes de contenus sur le sujet qu’il s’agisse de dessins animés, de documentaires etc.
Ce sont là deux expériences autour du sujet de la télévision personnalisée, et nous sommes convaincus au sein du Groupe que ces projets ont un grand avenir devant eux.
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