Conférence des Echos « La relation client dans une économie éclatée » : ce qu’il faut retenir
- Kiss The Bride
- 19 mars 2015
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Les lignes dans l’écosystème marketing bougent : vite, profondément, radicalement. La conférence organisée hier par Les Echos en a été une parfaite démonstration : tandis que l’édition 2014 s’était focalisée sur la cohérence entre la communication des marques versus les réelles attentes de consommateurs, celle-ci prenait une dimension beaucoup plus macro. Retour en 10 points sur ces débats qui ont à la fois posés le cadre d’un nouveau paradigme économique et social, tout en apportant des réponses concrètes à travers des témoignages très bien choisis.
Bienvenue dans l’ère de l’économie éclatée
L’intervention de Michèle Debonneuil, économiste, en préambule des débats a apporté un éclairage passionnant sur cette économie éclatée. Elle explique comment le consommateur est en train de passer au nouveau statut d’usager. Ainsi, celui qui auparavant se contentait d’acheter, par exemple, un équipement hi-fi optera dans quelques temps pour un abonnement à un service qui lui permettra de disposer de ce matériel hi-fi. Cet abonnement ne couvrira pas seulement le coût de l’équipement mais aussi et surtout le conseil pour avoir le matériel le plus adapté à ses besoins, l’installation et la démonstration par un professionnel et bien sûr le dépannage si nécessaire.
Nous entrons donc dans une économie de « solutions » où la valeur ajoutée n’est plus dans le bien lui-même mais dans l’usage qui va en être fait, dans l’expérience que le client vivra avec. Il s’agit d’une rupture majeure. Dans l’automobile, le client achètera de plus en plus un transport et non plus une voiture. Il suffit de voir le succès de modèles disruptifs tels que Blablacar, AirBnB, Ornikar… ces exemples d’économie collaborative qui sont venus menacer de grands acteurs bien installés.
Cette transformation de nos modèles n’en est pourtant qu’à ses débuts. Avec l’essor annoncé des objets connectés et de l’impression 3D, les consommateurs seront de plus en plus autonomes, ils produiront eux-mêmes leurs propres produits, créeront grâce aux applis leurs propres services.
Dans ce contexte, les marques doivent s’interroger : quel nouveau rôle veulent-elles réellement endosser ? Quelle valeur ajoutée nouvelle peuvent-elles apporter à leurs clients et à leurs utilisateurs ?
Vous pouvez découvrir une tribune de Jean-Marc Vittori sur le sujet : « Les promesses et les défis de l’économie éclatée »
On ne parle plus de relation client, mais d’expérience utilisateur
On vient de le voir, le client n’est plus un consommateur, il est un usager. Il n’attend plus des marques qu’elles lui fournissent seulement un produit, il attend d’elles qu’elles lui fassent vivre une réelle expérience.
Ce qu’ont également souligné un certain nombre d’intervenants comme Alexandre Chartier, co-fondateur d’Ornikar et Marie-Frédérique Beraud-Germain, directrice marketing de l’opticien Krys, c’est que leurs marques évoluent désormais dans des relations plus complexes que le classique shéma Entreprise > Client. Il faut désormais prendre en compte l’ensemble des publics, tous les prescripteurs et les influenceurs compris.
Ainsi pour Ornikar, l’auto-école 2.0 qui via une plateforme internet met en relation des élèves avec leurs futurs instructeurs, il est tout aussi essentiel de séduire leurs futurs clients, les élèves, que de convaincre des instructeurs de rejoindre leur nouveau modèle d’auto-écoles.
La voix du client valorisée
Les clients eux-mêmes deviennent les meilleurs ambassadeurs des marques. Les intervenants citent ainsi les succès des marques Sosh et Casino, via le site CVous, qui laissent s’exprimer entre eux les consommateurs. A l’image d’une pyramide d’expérience, les clients néophytes sont renseignés par des plus expérimentés, eux-mêmes drivés par des clients plus aguerris etc. La communauté de la marque s’auto-régule et s’alimente sans intervention directe des instances marketing ou communication pour générer plus de confiance.
Encore plus loin, Isabelle Hervouet, Responsable Digital d’ING Direct, rapporte qu’au sein de la communauté de la banque en ligne, les clients votent pour les meilleures idées émises par les autres clients. C’est donc cette communauté qui décide des prochains produits qui seront lancés. Par exemple, en début d’année, ils ont plébiscité le fait de pouvoir ouvrir un livret via leur appli mobile… une idée en laquelle le staff d’ING croyait peu. Finalement, allant au bout de leur démarche, ils ont développé cette fonctionnalité et celle-ci a rencontré un grand succès !
L’enjeu de fluidité et de simplicité de cette expérience client
Nathalie Gonzales, directrice marketing de Nespresso France, a très bien souligné de son côté combien la fluidité et la simplicité de l’expérience client étaient un enjeu. La marque a ainsi opté pour un parcours d’achat mobile le plus court possible, malgré la frustration de ne pas utiliser ce moment pour valoriser la qualité de leurs produits par exemple. Le mobile est le média de l’instant, il faut aller au plus vite, au plus simple dans l’intérêt du client. En ajouter serait déceptif. On misera sur les autres points de contact avec la marque pour être dans une relation plus riche, plus émotionnelle.
Toujours chez Nespresso, les vendeurs de la boutique parisienne « Victor Hugo » avaient remonté un problème récurrent de stationnement pour les clients. Un obstacle qui décourageait certains et empêchait bien sûr des ventes. Depuis qu’un service de voiturier a été mis en place devant la boutique, les clients sont ravis et les ventes sont reparties à la hausse !
Le client n’est plus seulement au centre, c’est lui qui drive l’entreprise
Chez Ornikar, c’est le Responsable « User Experience » qui prend les décisions, qui tranche. Les décisions sont en effet prises à travers ce prisme, avant d’être pensée business, pour une raison simple. Comme l’explique son co-fondateur : « Ce qui est bon pour l’utilisateur sera bon pour le business ». Une dimension qui rend aussi le travail des équipes internes plus motivantes : il est plus intéressant d’avoir pour objectif de réduire par 2 le coût du permis, plutôt que de demander à vendre 2 fois plus.
Chez ING aussi, la place du client est primordiale. Pour preuve : ces réunions hebdomadaires qui réunissent autour d’une même table tous les services liés aux clients : IT, marketing, communication, relation client et qui obligent ces entités aux cultures et aux objectifs différents de se mettre d’accord dans l’intérêt du client.
Le nouveau rôle du point de vente (et des vendeurs !) à l’heure digitale
Les points de vente ne sont pas morts, au contraire, le digital leur donne clairement un nouveau souffle.
En ce sens, le témoignage de Pascal Peltier, Directeur Marketing et Communication de Metro Cash & Carry France, était instructif. L’enseigne utilise ainsi le digital pour rendre la relation entre les vendeurs et les clients professionnels encore meilleure : plus personnalisée, plus professionnelle grâce aux beacons, des outils qui géolocalisent le client sur le point de vente et permettent, grâce à un travail d’intelligence des données en amont, de proposer des offres personnalisées pendant leur parcours d’achat. Comme il le souligne : « Quand le client vient chez Métro, il travaille. Il a besoin de gagner du temps, de se voir proposer des offres pertinentes, bien personnalisées ». Notons au passage que c’est notre agence, Loyalty Expert, qui accompagne Metro sur l’ensemble de cette problématique et son déploiement !
Chez Orange, les boutiques ont changé de rôle et ne servent plus qu’à l’achat. Pour Philippe Bernard, VP Customer Experience, les vendeurs sont désormais beaucoup plus dans une dimension de conseil. Ils apportent aux clients ce qu’ils ne peuvent pas trouver par eux-mêmes, à savoir l’accompagnement personnalisé, la souplesse à s’adapter aux attentes parfois fluctuantes des clients etc. La boutique n’est plus un lieu de transaction, c’est là où se crée, se noue et s’enrichit le contact.
A client connecté, vendeur connecté. Le rôle même des vendeurs est en train d’évoluer. C’est ainsi que Metro accompagne les siens en mettant à leur disposition des outils de connaissance client très didactiques. A partir de chiffres, de graphiques très synthétiques, ils disposent des éléments nécessaires à la professionnalisation et l’enrichissement de leur relation avec les clients professionnels.
Dans la même ligne, certaines boutique Orange utilisent des Beacons afin d’identifier les clients VIP lorsqu’ils arrivent en magasin : les vendeurs en sont alors alertés et peuvent accueillir ce client dans les meilleures conditions.
La data, évidemment
C’est l’une des premières fois depuis ces 2 dernières années que les organisateurs d’une conférence marketing de fond ne se sentent pas obligés de dédier une table ronde au sujet de la data. Est-ce pour autant que cette problématique n’est plus d’actualité ?
Si bien sûr, elle est même centrale. Le sujet de la data infuse désormais toutes les strates du marketing, et il devient un pré-requis indispensable que l’on évoque la personnalisation de la relation, la digitalisation, la simplification du parcours client etc.
La directrice marketing de Nespresso France, résume très bien cela : « Tout l’art de la data, c’est lorsqu’elle est cachée, lorsqu’elle est tellement bien utilisée que le client ne s’en aperçoit même pas ».
Hervé-Matthieu Ricour, Directeur commercial retail de GDF-Suez Energie France, explique comment la data les amène à enrichir la relation avec leurs clients : « On utilise la data pour aider les clients à optimiser leurs consommations. Par exemple, si l’on compare votre profil à ceux d’une population similaire et que l’on s’aperçoit que vous dépensez 23% plus, on va alors vous accompagner pour comprendre pourquoi, et voir comment on peut vous aider à consommer moins. »
Du côté de Nespresso, les données conservées sont uniquement les données transactionnelles… largement suffisantes selon la Directrice Marketing pour avoir une vision claire et complète de leur parc clients. Savoir ce qu’ils achètent, dans quelles boutiques et à quelles fréquences est suffisant pour créer et enrichir la relation.
Les entreprises se réinventent grâce aux services
Les objets connectés, sujet marketing de l’année 2015 s’il en est, ont bien sûr été abordés. Ainsi, Didier Bollé, Président de Terraillon, a expliqué comment il a transformé ces deux dernières années cette entreprise centenaire en une véritable start-up. Désormais, l’entreprise ne se contente plus de produire du matériel de pesage, mais elle va proposer toute une batterie de services connexes. Terraillon proposera aussi des services à travers par exemple une application Premium qui fonctionnera sur la base d’un abonnement avec le suivi personnalisé par un nutritionniste pendant 3 mois.
Dans ce même shift vers le service, Guillaume Décitre, Directeur Général des librairies du même nom, expliquait comment son enseigne avait noué un partenariat avec la chaîne de magasins Super U afin de livrer dans les meilleurs délais et à moindre coût ses clients vivant dans les zones les plus éloignées.
L’enjeu de l’organisation
On le voit, ce qui prime désormais, c’est le client et notre capacité à lui faire vivre une expérience satisfaisante. L’organisation doit se mettre au diapason et adopter une organisation très agile, très souple et surtout décloisonner les silos.
En ce sens, l’intervention de Valérie Dehlinger, Directrice générale d’IDTGV, était intéressante. Défendant une approche « Test & Learn », elle expliquait ne pas attendre que les technologies soient installées (et stabilisées ?) pour les adopter. L’objectif était de les mettre en priorité dans les mains des clients afin qu’ils décident eux, et non l’entreprise, des usages qu’ils en feraient. C’est dans ce sens qu’ils testent d’ailleurs actuellement les Google Glass pour simplifier l’accès des clients à leurs places en leur évitant de ressortir 10 fois leur billet ou leur smartphone pour se rappeler les numéros de leur voiture et de leur place.
Tout reste à inventer
A entendre tous ces retours d’expérience, on a l’impression d’être au milieu du gué. La première vague qu’a constitué l’arrivée du web, des réseaux sociaux, de la mobilité et de la data est en train d’être intégrée dans la culture marketing et absorbée par les organisations. Sauf qu’arrive maintenant une seconde vague, faite d’objets connectés et d’impression 3D, qui ne va pas manquer de bousculer encore les modèles en train d’être établis.
Que nous réservera l’édition 2016 ? Difficile à prédire mais certainement encore beaucoup de matière tant les évolutions en cours vont marquer profondément notre métier et nécessiteront un temps d’acculturation et d’évangélisation. La clé résidera certainement dans la capacité des organisations à s’adapter à ces nouveaux écosystèmes.
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